CHAPITRE VI

Guerra sourit à Qui-Gon.

– Attendez, mon ami ! Vous semblez croire que nous vous avons piégés. Moi ? Tromper mon ami Obawan ? Comment serait-ce possible ?

Qui-Gon ne répondit pas.

– Oh, ou alors, c’est peut-être vrai, reprit le Phindien. Mais pour une bonne raison !

– Laquelle ? demanda Obi-Wan. Et cette fois-ci, je veux entendre la vérité.

– À Obawan, je dis toujours la vérité. Maintenant, honorables Jedi, je vais la dire. Par où commencer ?

– En expliquant pourquoi ta tête est mise à prix ? suggéra Qui-Gon. C’est un bon début.

– C’est vrai ! Eh bien, je présume que le Syndicat me considère comme un voleur. Et quelques autres aussi.

– Pas un voleur, intervint Paxxi, mais un combattant de la liberté qui a dérobé quelques petites choses au passage !

– C’est vrai, c’est ce que je suis. Tout comme mon frère. Vous savez, le Syndicat contrôle tout. Les provisions, les matériaux, les médicaments, la chaleur, tout ce qui est nécessaire à la survie des Phindiens. Du coup, il faut trouver un moyen d’échanger des marchandises sous le manteau, vous comprenez.

– Un marché noir, suggéra Qui-Gon.

– Oui, on peut le dire. Un marché noir. Nous volons par ici, vendons par là. Mais uniquement pour le bien du peuple !

– Et votre profit personnel, ajouta le Chevalier.

– Aussi, reconnut Paxxi. Toutefois, cela ne plaît pas au Syndicat. Si nous devons voler, ce doit être en son nom. Ce que nous refusons.

– Pourquoi devrions-nous lui offrir nos talents ? s’écria Guerra en donnant un coup de poing sur la table. Bien sûr, nous sommes nous-mêmes des voleurs, mais des voleurs honnêtes !

– Exact, frérot ! renchérit Paxxi. Et nous ne sommes ni des meurtriers, ni des dictateurs.

– Oui ! Voilà pourquoi nous devons libérer notre planète du joug de ces monstres. Le chef du Syndicat s’appelle Baftu. C’est une brute sans conscience qui aime voir souffrir les autres ! (Les yeux orange de Guerra se firent tristes.) Et Terra, son assistante, ne vaut pas mieux. Elle est belle, certes, mais son cœur est dur comme la pierre.

– Ce doit être ces gens que nous avons vus dans le landspeeder chromé, remarqua Obi-Wan.

Guerra et Paxxi échangèrent un regard navré en secouant la tête. Leur gaieté s’était évaporée.

– Et ces gens que nous avons vus dans la rue ? demanda Qui-Gon. Ceux au visage fixe ?

Les frères Derida se regardèrent à nouveau. Guerra eut un grand soupir.

– Les Renouvelés, dit-il doucement. C’est affreux…

– En effet, acquiesça Paxxi.

– Vous savez ce qu’est un effacement mémoriel ?

– On s’en sert pour reprogrammer les droïdes, intervint Obi-Wan. On efface leur mémoire et leurs fonctions pour introduire une nouvelle programmation.

– En effet, reprit Guerra. Eh bien, le Syndicat a développé une méthode pour faire subir le même sort aux Phindiens considérés comme des ennemis ou des agitateurs. On efface leur mémoire, puis on les lâche sur une autre planète, une des pires qu’on puisse trouver. Ils ne savent pas qui ils sont, ni ce qu’ils doivent faire. Pour ceux du Syndicat, c’est un jeu. Ils prennent des paris afin de déterminer combien de temps le pauvre bougre survivra. Une sonde droïde les suit pour montrer au Syndicat ce qui se passe. La plupart des Renouvelés ne survivent pas.

Le visage de Qui-Gon se figea. Obi-Wan connaissait cette expression, qui montrait que son Maître était profondément choqué par l’injustice et la cruauté de ce système.

– Certains restent sur cette planète, continua Paxxi. C’est encore ce qu’il y a de plus triste. Phindar regorge de gens qui ont perdu leurs racines et sont incapables de reconnaître leur famille. Ils peuvent croiser leur père, leur épouse ou leurs enfants sans les reconnaître.

– Comme vous le voyez, reprit Guerra, le Syndicat est prêt à tout. Mais vous pouvez nous aider.

– Si ces braves Jedi le veulent bien, ajouta son frère.

– Vous avez vu ces pancartes dans les vitrines et au marché ? continua Guerra. Le Syndicat provoque ces pénuries. C’est une façon de conserver le pouvoir, comme il contrôle les esprits grâce au Renouvellement. Si les gens font la queue toute la journée pour nourrir leur famille, ils n’ont pas le temps de se révolter.

– Le Syndicat rationne tout ce dont nous avons besoin, enchaîna Paxxi. Les provisions, les médicaments, les matériaux de construction : tout est caché dans des entrepôts.

– Et une partie des réserves est stockée dans d’immenses salles situées sous son quartier général, ici, à Laressa. Vous comprenez notre plan ? Si nous pouvons en sortir des marchandises, nous prouverons à tous les Phindiens que le Syndicat les a spoliés. Ils se révolteront ! Tout ce qu’il nous faut, c’est votre aide. Sur la plate-forme minière, j’ai vu comment vous autres Jedi pouviez contrôler les esprits. Obawan a convaincu les gardes de le laisser accéder aux entrepôts. Il peut faire pareil ici !

– Impossible, répliqua Qui-Gon. Tout d’abord, les Chevaliers Jedi ne sont pas des voleurs. Ensuite, nous avons déjà une mission à remplir. De plus, en admettant que vous mettiez votre projet à exécution, comment comptez-vous sortir ces produits du bâtiment sans vous battre ? Et croyez-vous que cela suffira pour détruire une puissante organisation criminelle ?

– Aha ! Bien vu, Qui-Gon. Malin, comme Obawan, fit Guerra en lui décochant une bourrade amicale. Parlons-en. D’abord, sachez que cet entrepôt doit avoir deux entrées. Sinon, comment, pourraient-ils amener et sortir les marchandises sans être vus ? Donc, nous n’avons qu’à entrer d’un côté, trouver l’autre voie d’accès secrète, et hop ! Facile ! Nous pourrons récupérer leurs stocks.

– Pas si facile, fit observer Qui-Gon.

– Mais cela en vaut la peine, je pense, répondit Guerra. Au milieu des provisions, des médicaments et des armes, il y a aussi une chambre forte où le Syndicat cache son trésor !

– Une chambre forte, répéta le Jedi. Ce qui veut dire un système de sécurité…

– En effet ! Mais Paxxi et moi, nous avons la clé !

– Comment l’avez-vous obtenue ?

– Ha ! Il demande comment nous l’avons eue !

– Ha ! Longue histoire !

– Nous avons aussi un moyen d’entrer dans le bâtiment, poursuivit Guerra. Vous voyez ? Facile. Vous venez ?

– Récapitulons, fit Qui-Gon, incrédule. Vous voulez que deux Jedi vous aident à voler le trésor d’une bande de gangsters ?

Obi-Wan ne dit rien. Même s’il aimait bien Guerra, il était d’accord avec Qui-Gon : ce n’était pas un travail pour un Jedi. Yoda n’accepterait jamais.

– Exactement ! s’écria Guerra, toujours joyeux.

– Un instant, frérot, intervint Paxxi. Nous devons nous expliquer un peu mieux. Ces Jedi doivent bien comprendre que ce n’est pas tant le trésor qui nous intéresse que la libération de notre peuple.

– Bien sûr ! acquiesça Guerra. Quoique, un peu d’argent peut toujours servir…

Un soudain vacarme venant de l’extérieur lui coupa la parole. Paxxi s’empressa d’aller voir ce qui se passait. Il ne tarda pas à revenir.

– Désolé, dit-il, mais il faut partir. Je crains que les droïdes tueurs ne soient à nos trousses !